«L'inflation des diplômes est plus destructrice que formatrice»
Un essai récemment publié accuse l'élévation du niveau scolaire de dévaloriser les diplômes.
Marie-Estelle Pech
[18 janvier 2006]
Marie Duru-Bellat, chercheur à l'Institut de recherche en éducation, a écrit «L'Inflation scolaire, les désillusions de la méritocratie» (Seuil).
Le Figaro. ? Les études sont la meilleure arme contre le chômage, entend-on souvent. Vous allez à l'encontre de cette idée et considérez qu'élever sans cesse le niveau scolaire constitue un mauvais investissement.
Marie DURU-BELLAT. ? Depuis trente ans, l'Etat et les familles poussent les jeunes à aller le plus loin possible dans leurs études. Souvenez-vous de l'objectif des 80% au bac... Certains étudiants y gagnent, notamment dans les filières à recrutement sélectif. Mais, pour la société, cette course est un gâchis. Aucun pays n'est assez riche pour mettre tout son argent public dans l'éducation. On allonge sans cesse les études alors qu'il serait bien plus utile d'investir sur les jeunes qui sortent du système scolaire sans savoir lire. Cette inflation des diplômes est plus destructrice que formatrice. Elle rend les jeunes très utilitaristes. Ce qui compte, c'est la note et le diplôme, au détriment de la motivation intellectuelle. Et tous les moyens sont bons. De nombreuses études font état de la montée de la «triche» dans l'enseignement supérieur ou encore de «l'ennui» croissant. La situation de ceux qui sont à l'université parce qu'ils ne trouvent pas de travail arrange l'Etat, qui ne saurait que faire de ces jeunes chômeurs.
La méritocratie scolaire serait-elle un leurre ?
Les diplômes sont déclassés, sauf dans les grandes écoles. Ceux qui ont des diplômes plus élevés que leurs parents n'accèdent pas à des positions sociales plus intéressantes parce que le «rendement» de ces diplômes sur le marché a baissé. Les chiffres sont effrayants. Une majorité des licenciés en lettres, par exemple, atteignent au mieux un niveau d'employé de bureau. Les enfants de milieux aisés s'en sortent parce que, mieux informés, ils vont dans les filières rentables. Les inégalités restent tout aussi présentes qu'il y a trente ans.
Quelles solutions préconisez-vous ?
La question de l'entrée à l'université doit être posée. La sélection par l'échec dans le premier cycle universitaire coûte très cher. Les contacts entre le monde professionnel et l'éducation pourraient être plus étroits. Enfin, plutôt que d'encourager systématiquement les jeunes à prolonger leurs études, on pourrait les aider à mettre en oeuvre des projets personnels qui pèseront sur l'insertion autant que leur seul dossier scolaire.
Cliquez sur "suite" pour lire la fin de l'article